À FAIRE et À NE PAS FAIRE - Qu’est-ce qu'une « application pour démarrer dans la CAA » ?

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Certaines nouvelles applications se décrivent comme « application pour démarrer dans la CAA ». Je donne souvent à ces applications une étoile - la note la plus basse. Cela entraine souvent un email de la part du développeur de l’application, me demandant de justifier ma note. J’aimerais expliquer pourquoi je note de cette façon.

En mai 2016, David Niemeijer d’AssistiveWare et Jane Farrall sont intervenus à la Conference AGOSCI sur les « À FAIRE ET À NE PAS FAIRE » lors de la mise en place d’une réelle communication à travers la CAA. Nous avons créé le poster « À FAIRE ET À NE PAS FAIRE  » pour accompagner ce blog.

La chose que je fais (plus ou moins) tous les 6 mois est de télécharger toutes les applications de CAA que je peux trouver sur l'App Store pour les évaluer et les ajouter à ma liste d’applis de CAA. (en anglais)
 
A chaque fois que je fais cette mise à jour, un ou plusieurs de ces nouvelles applications se décrivent comme « application pour démarrer dans la CAA » ou comme « application pour communicants débutants ». Je donne souvent à ces applications, tout comme à celles se décrivant comme « faites pour les personnes les moins fonctionnelles », une étoile - la note la plus basse. Cela entraine souvent un email de la part du développeur de l’application, me demandant de justifier ma note. J’aimerais expliquer pourquoi je note de cette façon.
 
La phrase « application pour démarrer dans la CAA » dans ce contexte, me semble souvent être un euphémisme pour une pratique faible de la CAA. Ces applications proposent souvent peu de mots ; le vocabulaire est surtout centré sur les noms ; il n’y a pas de pictogrammes et l’utilisateur doit importer ses propres images ; le vocabulaire est organisé en catégories ; et parfois il y a peu d’options pour le développer ou le personnaliser. L’application est souvent accompagnée de phrases telles que « petit nombre de symboles, pour communicants débutants » ou « basé sur des photographies pour simplifier l’utilisation par des débutants en CAA ».

 
Tant de choses dans ces applications NE SONT PAS pour démarrer dans la CAA ; c’est une CAA qui ne met pas en avant le développement du langage et de la communication. Les promesses dans les descriptions de l’application correspondent à cette mauvaise pratique et font partie d’un monde où la phrase « présumer des compétences » n’a jamais été entendue.
 
Ayant dit tout cela, que sait-on du démarrage dans la CAA ?

Pictogrammes

 
Il n’y a aucune évidence que la « hiérarchie des pictogrammes » à laquelle on se réfère si souvent, a une pertinence quelconque dans la mise en place de la CAA - ou même qu’elle opère comme des personnes le pensent ( et tout comme on me l’a présentée quand j’ai passé mon diplôme d’orthophoniste il y a 30 ans).
 
Romski and Sevcik (2005) (PDF - en anglais) se réfèrent à cela comme étant l’un des mythes de la « Communication améliorée et Intervention précoce ». Ils résument ce mythe à la déclaration suivante :  « lors des premières phases du développement, il n’y a pas matière à inquiétude si l’enfant utilise des symboles abstraits ou représentatifs, car pour l’enfant ils fonctionnent tous de la même façon. » Porter et Burkhardt (2010) ont beaucoup parlé de cela, plaidant pour une stimulation du langage assisté pour permettre à un individu d’apprendre ce qu’un pictogramme signifie. Da Fonte et al (2008) sont d’accord pour dire que « il ne semble pas y avoir une hiérarchie de pictogrammes visuels assistés » et ajoutent que « l’expérience joue un rôle significatif dans l’apprentissage des pictogrammes visuels assistés et dans la généralisation de leur usage ».
 
Ainsi - pour revenir à notre sujet sur le démarrage de la CAA, il n’y a absolument aucun besoin de se limiter à un système CAA qui peut gérer des objets ou des photos quand nous prenons des décisions - et ces applications CAA qui disent cela souscrivent à un mythe.

Quantité de vocabulaire

 
Durant la Conférence ISAAC en 2014 à Lisbonne, la professeur Pat Mirenda a donné une pré-conférence sous forme d’atelier sur «  les troubles du spectre autistique » (TSA). Au cours de cet atelier, elle a passé en revue l’état actuel de nos connaissances sur la CAA puisque cela est en lien avec les individus souffrant de TSA. L’une des phrases de son exposé a sonné vrai pour moi - et pas seulement pour des individus atteints de TSA: 

« NOUS AVIONS L’HABITUDE DE PENSER : Commencez avec juste quelques (4-6) pictogrammes et ajoutez-en quelques autres la fois suivante, si l’étudiant avec les TSA montre qu’il ou elle peut communiquer de façon appropriée avec eux généralement pour les demandes. Maintenant nous pensons : Vraiment ? Où est la recherche qui défend cette pratique ? Ce n’est certainement pas de cette manière que les autres enfants apprennent de nouveaux mots et acquièrent le langage. »

Mirenda, 2014

Pour que les individus apprennent le langage, il faut leur fournir non pas quelques pictogrammes - mais une large gamme de pictogrammes qui représentent un solide vocabulaire qui les aide à apprendre comment combiner les mots, à participer à chaque situation et les aide à se développer en tant que communicant autonome. Ce vocabulaire doit se composer de différentes parties du discours - ils ont besoin d’adjectifs, de verbes, d’adverbes. de pronoms, de prépositions, de conjonctions, d’interjections, de déterminants et même de quelques noms (allez-y en douceur avec les noms). Essayez d’utilisez un système de vocabulaire de base bien conçu ou Pragmatically Organised Dynamic Display (PODD).

De nouveau, pour en revenir à notre sujet sur le démarrage de la CAA, il n’y a pas de preuve que seulement quelques pictogrammes aident au démarrage de la CAA et ces applications qui prétendent qu’il y en a, ajoutent au mythe.

Comment cela se transforme en communication autonome ?

 
Pour que chaque individu apprenne comment utiliser son système de CAA bien conçu avec un solide vocabulaire représenté par des pictogrammes, nous devons nous assurer que l’introduction de la CAA est faite de façon à l’aider à devenir un communicant autonome. Cela peut être fait à l’aide de différentes stratégies - mais cela doit inclure la stimulation de la langue assistée (SLA) (Goossens’, Crain & Elder, 1992). En utilisant le système de CAA de l’individu pour démarrer, répondre, nier, continuer, souhaiter, conclure et toutes les autres virages conversationnels que nous pouvons avoir, nous leur montrons comment ils peuvent le faire. En utilisant leur système de CAA pour des raisons réelles, nous leur montrons ce que les pictogrammes signifient. Il se peut que nous ayons à le faire pendant un certain temps avant que l’individu ne commence à le faire (rappelez-vous - nous parlons aux enfants pendant plus ou moins 18 mois avant qu’ils ne commencent à parler) - mais la stimulation de la langue assistée fait absolument partie du cheminement vers une bonne communication. Il a été montré qu’elle accroit le vocabulaire réceptif - ce qui est tout à fait logique (Dada & Alant, 2009), même chose pour prendre la parole à son tour  (Beck et al, 2009) et pour d’autres compétences en communication. Et dans un modèle cyclique validant ceci - à moins d’avoir un solide vocabulaire vous ne pouvez pas faire de stimulation de la langue assistée. 
 
Ainsi, il nous faut essayer de parler avec les développeurs de chaque application qui déclare être appropriée pour des utilisateurs de CAA débutants. Pouvez-vous discuter avec un partenaire ou un ami ? Pouvez-vous poser une question à l’école ? Pouvez-vous changer de sujet ? Pouvez-vous continuer à le faire au cours de multiples conversations ? Si vous ne pouvez pas l’utiliser par vous-même pour parler, comment pouvez-vous faire de la stimulation de la langue assistée ? Et comment attendre d’un communicant débutant qu’il communique avec une application qu’un communicant compétent ne peut pas utiliser ?

Alors qu’est-ce-que démarrer dans la CAA ?

 
Fait intéressant, un bon début de CAA ressemble beaucoup à une CAA plus avancée. Chaque individu avec des besoins en communication complexes demande un vocabulaire compréhensif qui lui permet de dire ce qu’il veut, quand il veut le dire, et à qui il veut le dire. La différence est que au début de la CAA, chaque personne de l’entourage de l’individu ayant des besoins en communication complexes, a besoin d’utiliser le système, autant que possible, pour montrer comment le système peut être utilisé et pour lui apprendre la signification des symboles. Le temps passant, l’individu aux besoins complexes en matière de communication commence à utiliser lui-même le système - et cette utilisation augmente. Sans ces composants : 1. un vocabulaire solide ; 2. des pictogrammes ; 3. une grande contribution de langue assistée, nous ne faisons pas ce qu’il y a de mieux actuellement pour chaque communicant débutant. Cela est peut-être différent de ce que vous croyez - mais si vous pensez que démarrer la CAA implique seulement quelques photographies ou objets de référence, posez-vous la question que la professeur Miranda a posé à ISAAC - « Vraiment ? Où sont les recherches qui soutiennent cette pratique ? »
 
PS : Si cela vous intéresse vraiment de savoir comment je note les applications de CAA - regardez en bas de chaque page de ma liste d’applications CAA


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