À FAIRE et À NE PAS FAIRE de la CAA - N'exigez pas de compétences pré-requises

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Au cours des dernières semaines, différents enseignants m’ont rapporté que des professeurs ont dit de leur élève qu’il « n’était pas prêt pour les pictogrammes ». Je suis toujours choquée que quelqu’un puisse dire encore cela aujourd'hui alors que nous nous sommes éloignés d’un modèle de candidature pour la CAA, il y a environ 20 ans. - Jane Farrall

En mai 2016, David Niemeijer d’AssistiveWare et Jane Farrall sont intervenus à la Conference AGOSCI sur les « À FAIRE ET À NE PAS FAIRE » lors de la mise en place d’une communication efficace à travers la CAA. Nous avons créé le poster « À FAIRE ET À NE PAS FAIRE  »(PDF) pour accompagner ce blog.

Ainsi, que devrions-nous répondre lorsque les gens nous parlent de conditions préalables pour la CAA ?

S’opposer au modèle de la candidature

Dans les années 1970 et 1980 le modèle de la candidature était en vogue. J’ai eu mon diplôme d’orthophoniste au début des années 1990 et et la candidature prévalait toujours - mais notre pratique était en train de basculer vers le modèle de la participation. Il est évident que ce basculement n’est pas encore complètement réalisé !

Le modèle de la candidature est un modèle dans lequel les individus sont considérés comme « trop » quelque chose pour la CAA. Ils peuvent être « trop jeunes » ou « trop handicapés intellectuellement » ou « trop en retard linguistiquement » ou « trop asociaux ».

Le résultat du modèle de la candidature est que des personnes se voient refuser l’accès à un système et à des services de CAA. Et c’est en cela que le modèle de la candidature est discutable, parce que la communication est un droit humain fondamental. Et un système de communication qui n’offre pas à l’individu la capacité d’apprendre à demander, à répondre, à nier, à maintenir la conversation et toutes les autres fonctions de communication n’est pas assez bon !

Communication function examples
Raisons pour lesquelles nous communiquons

Le modèle de la candidature ou celui des pré-requis, était particulièrement problématique pour les individus souffrant de multiples handicaps. Selon Beukelman et Mirenda (2013) l'argument « il n'est pas être prêt pour » était [souvent] utilisé suite à de mauvaises interprétations de la recherche sur le développement de la communication et du langage chez des enfants typiques. 

Kangas and Lloyd (1998) (en anglais) ont écrit un article magnifique sur le concept de pré-requis cognitifs. Parmi d’autres choses, ils résument la recherche montrant qu’un individu élevé dans un environnement utilisant les signes apprend souvent plus tôt à les employer que des enfants typiques apprennent à parler - ce qui indique que la langue des signes peut être plus facile à apprendre. Et tout en reconnaissant la différence entre les signes et les pictogrammes, ils évoquent sur la base de quelques preuves que des enfants peuvent apprendre à s’exprimer à l’aide de pictogrammes à un âge relativement jeune et que les enfants souffrant de « sévères retards mentaux » ont pu apprendre à utiliser des pictogrammes pour communiquer bien qu’ils n’utilisaient pas le langage. Cet article penche fortement en faveur d’un abandon du modèle de la candidature pour la CAA.

Romski and Sevcik (1988) (en anglais) ont écrit un article en faveur de cet abandon. Ils se sont intéressés tout spécialement à la CAA et ainsi qu'aux personnes atteintes de sévères handicaps intellectuels et ont démontré que la littérature scientifique suggère que « la relation entre les capacités cognitives, communicatives et linguistiques n’est pas aussi prévisible que ce qu’avaient initialement pensé des chercheurs sur le langage des enfants. »

Maintenant je dois avouer que je suis une grande fan de Romski et Sevcik - Je fais référence à leur article sur les « Mythes et réalités de la CAA (Romski & Sevcik, 2005) » plusieurs fois par an. Ils se sont aussi intéressés à ce mythe des pré-requis dans cet article - c’est le mythe numéro 3. Vous pouvez lire l’article en cliquant sur le lien ci-dessus, mais j’aime leur façon de déclarer simplement que « certaines personnes atteintes de troubles sensori-moteurs sévères ne sont pas en mesure de démontrer leurs aptitudes cognitives sans moyen de communication donc, il n’est pas possible d’exiger la preuve de ces aptitudes avant d’avoir fourni des outils et soutiens de CAA. »

Promouvoir le modèle de la participation

Le modèle de la candidature a été remplacé par le modèle de la participation. Le modèle de la participation (Beukelman & Miranda, 1998, mais proposé déjà en 1988) est une procédure pour mettre en place la CAA par évaluation et intervention, basée sur les exigences de participation fonctionnelle de personnes de même âge sans handicap. Le modèle de participation nous permet de prendre des décisions concernant la CAA à deux niveaux - un niveau pour « aujourd’hui » et un niveau pour « demain ». C’est important car nous savons que le développement de la communication ne se fait pas en une fois - mais il est de plus en plus reconnu que pour que chaque individu puisse développer vers une compétence communicative (Light & McNaughton, 2014) il est nécessaire de proposer assistance et intervention.

Le modèle de la participation découle d’une autre mentalité qui prend en compte les arguments opposés au modèle de la candidature. Plutôt que de regarder les pré-requis, il s’appuie sur les recherches faites concernant les effets positifs de l’utilisation de la CAA sur les capacités en communication - et par conséquent la mise en place la CAA pour développer la communication. Lorsque Kangas et Lloyd (1988) ont développé ces arguments contre le modèle de la candidature, ils ont cité les recherches montrant que la CAA avait contribué au développement de la compréhension du langage et de la parole. Maintenant, presque 20 ans plus tard, nous avons des études plus étoffées qui nous le confirment. 

Nous avons en particulier un nombre croissant de recherches mettant en évidence l’importance pour aujourd'hui du bain de langage augmenté (au cours duquel nous communiquons avec des personnes à la fois au moyen de la CAA basée sur les pictogrammes et de la parole pour les aider à développer la communication) ainsi que l’importance de ce bain de langage pour faire évoluer le système de CAA de chaque personne ayant des besoins complexes en matière de communication. Dada & Alant (2009) ont démontré comment le bain de langage augmenté pouvait être utilisée pour construire la compréhension du vocabulaire d’un individu - au bout de 3 semaines seulement. Imaginez ce que nous pourrions faire sur le long terme ! Drager et Al (2006) et Harris et Reichle (2004) ont montré que le bain de langage augmenté peut avoir des effets positifs à la fois sur le langage réceptif et expressif. Et ce n’est qu’une partie des preuves que nous avons de l’efficacité du bain de langage augmenté ! Dans le AAC Services Standard published by Communication Matters (2012) (PDF) pour le Royaume-Uni, modéliser est considéré comme faisant partie des outils importants dans un modèle de soutien similaire au modèle de la participation, outil pour lequel une évaluation régulière, une intervention et une analyse sont recommandées.

Ainsi, que devrions-nous répondre lorsque les gens nous parlent de compétences préalables pour la CAA ?

Nous devons leur dire que c’est une façon de penser dépassée concernant l’intervention en CAA. The American Speech-Language-Hearing Association (2004) approuve le modèle de la participation (en anglais) comme cadre pour effectuer les évaluations et intervention en CAA. C'est aussi un cadre important pour l‘évaluation et la mise en place de la CAA selon Speech Pathology Australia (2012). Dans le modèle de la participation, les pré-requis sont perçus comme un obstacle à l’opportunité qui doit être levé et toutes les personnes intéressées par la CAA et s’y impliquant dans la CAA doivent travailler en vue de faire disparaitre ces obstacles pour toujours.

Depuis plus de 20 ans, il est reconnu que les pré-requis comportementaux ou cognitifs ne sont pas nécessaires à l’apprentissage de la CAA.

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